Histoire
Antiquité
Les environs de Mirambeau gardent des traces d’un habitat précoce, remontant au moins au premier âge du fer : nécropole de Font-Tertaud à Saint-Martial-de-Mirambeau, station des Cheminées à Saint-Sorlin-de-Conac et sites à sel de Saint-Thomas-de-Conac et de Saint-Bonnet-sur-Gironde, en sont autant de témoignages.
Le village de Petit-Niort prend son essor à l’époque romaine, étant situé sur un axe de communication important (voie de Mediolanum Santonum/Saintes à Blavia/Blaye), et sans doute à proximité d’un canal donnant accès à la Gironde. À cette époque, Petit-Niort est au cœur d’une région spécialisée dans la production semi-industrielle de poteries : des vestiges de fours ont été découverts à proximité du village, mais également à Soubran (site de la Grande Lande) et à Nieul-le-Virouil (site de Bois-Robin). Petit-Niort exporte ses poteries, au style caractéristique, dans toute la région.
Moyen Âge
L’histoire de Mirambeau demeure relativement méconnue au cours des siècles suivant. La paroisse suit les destinées du reste de la Saintonge, est incorporée à plusieurs royaumes aquitains plus ou moins indépendants, puis au duché d’Aquitaine. Le site est sans doute fortifié très tôt, mais on ne trouve de trace écrite d’un château qu’en 1079, dans l’acte de fondation de l’abbaye de La Sauve-Majeure (Guyenne, actuelle Gironde). Il y est fait mention d’un chevalier Artaud de Mirambel34. C’est sans doute à peu près à la même époque qu’a lieu l’épisode des « ânes de Mirambeau », version locale des « oies du Capitole » : des assaillants échouent dans leur tentative de prendre le château grâce à des ânes paissant dans les douves, qui donnent l’alerte par de virulents braiements. À la suite de ces événements, une rente est consacrée à l’entretien d’un troupeau de cinquante ânes; celle-ci est convertie quelques siècles plus tard en… rente versée au profit des chanoines de Mirambeau, qui y gagnent le surnom d’« ânes de Mirambeau » !
Henry de Grosmont ou de Lancastre, lieutenant du roi-duc Édouard III en Aquitaine, prend Mirambeau au cours de sa « chevauchée » de 1346.
Lorsque la duchesse Aliénor d’Aquitaine et le roi de France Louis VII se séparent, et qu’Aliénor se remarie avec Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre (1152), la région passe sous influence anglaise. Mirambeau devient une place-forte convoitée; ses seigneurs prennent parfois de grandes libertés avec le pouvoir aquitain, et dès 1291, le roi-duc Édouard Ier rappelle à l’ordre Guilhem de Cheyning, maître du château.
Au moment de la Guerre de Cent Ans, Mirambeau passe successivement d’un parti à un autre, suivant les intérêts de ses seigneurs. Passé aux Français, le château est assiégé et repris par les armées de Henry de Grosmont, comte de Derby, au cours de sa furieuse « chevauchée » de 1346. Dans ses chroniques, Froissart rapporte l’événement de la façon suivante : le comte de Derby « assembla douze cents hommes d’armes, deux mille archers et trois mille piétons. Si passèrent toutes les gens d’armes et leur route, la rivière de Garonne entre Bordeaux et Blaye. Puis prindrent le chemin de Xainctonge et vindrent à Mirabel, si prindrent la ville d’assaut et le chastel et y meirent gens de pour eux ».
Plus de trente ans plus tard, la cité est de nouveau aux mains des Français, et est une des nombreuses « marches » entre une Saintonge plus ou moins bien contrôlée par ces derniers, et une Guyenne fidèle aux Anglais. Dans une charte datée du 31 juillet 1380, l’évêque de Saintes Bernard (favorable au parti français) écrit à propos de la paroisse de Petit-Niort qu’elle est « in fronteria inimicorum et confinis et partibus ubi magis consueverunt regnare guarsiones et pilhardi et gentes inordinate (…) » — « à la frontière des ennemis et aux confins des régions où règnent d’ordinaire les pillards et les bandits ».
En 1415, la seigneurie de Mirambeau échoit à Jean II Harpedanne, chambellan du roi de France et sénéchal de Saintonge, déjà maître des seigneuries de Cosnac et de Montendre. À cette époque, Mirambeau est une des principales agglomérations du sud de la Saintonge. La cité s’organise autour de deux pôles : « La ville », dite aussi « Saint-Sébastien », en hauteur, autour du château, de sa chapelle Sainte-Marie et de l’église paroissiale Saint-Sébastien (aujourd’hui détruite, mais matérialisée par une croix de pierre), et « Le chemin », au bas de la colline, autour du prieuré Notre-Dame et d’un hospice de pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Au fil du temps, « Le chemin » prend le pas sur « La ville »; c’est aujourd’hui cet ancien faubourg qui est le centre-ville de Mirambeau. Un peu à l’écart, les Templiers ont érigé deux siècles auparavant une commanderie et un oratoire, la chapelle de Civrac. Petit-Niort constitue une paroisse distincte, à peu de distance, sur la route de Blaye. Sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, son église prieurale est une étape entre Notre-Dame-du-Chemin (Mirambeau) et l’abbaye Notre-Dame de Pleine-Selve, toutes deux aux mains des Prémontrés.
Sur un plan politique et militaire, la démence qui frappe le roi de France Charles VI a tôt fait de raviver une guerre qui, en dépit de trêves épisodiques, n’a jamais vraiment cessé. La France tout entière sombre dans le chaos et se divise en deux factions antagonistes : les Armagnacs et les Bourguignons (voir l’article Guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons). Dans la région, des batailles sporadiques opposent partisans des deux camps, tandis que les campagnes sont ravagées par des « Écorcheurs » qui commettent les pires excès : viols et meurtres sont monnaie courante. Ces pratiques sont parfois cautionnées — quand elles ne sont pas encouragées — par des personnages de haut rang. Olivier de Harpedanne, seigneur de Mirambeau, ne déroge pas à la règle, entretenant des gens de guerre qui s’en prennent à la population. « Il a tenu plusieurs gens de guerre en la dicte ville de Mirambeau, laquelle est en la frontiere de nosdiz ennemys et adversaires les Anglois et une des villes et places de nostre obeïssance plus prouchaine de la ville de Bourdeaux. Durant lequel temps qu’il a tenu gens d’armes et qu’il s’est armé, les dictes gens de guerre qu’il a tenuz avecques lui ont fait plusieurs courses, destrousses et pilleries sur noz subgiez, pillé, robé et destroussé gens d’eglise, nobles, marchans et autres de divers estaz (…). ». En 1445, alors que la Guerre de Cent Ans est proche de son terme (Montguyon puis Bordeaux tombent en 1451, et la bataille de Castillon sonne le glas du pouvoir anglo-aquitain en 1453), il sollicite le pardon du roi, qu’il obtient par une lettre d’abolition.
L’état du clergé n’est, d’une manière générale, guère plus reluisant. Abus en tous genre, mais aussi un manque d’instruction flagrant fragilisent son image, portant en germe une réforme « protestante » prônant le retour aux « vraies valeurs de l’évangile ». Un prêtre officiant à Mirambeau à la fin du xve siècle, Jean Levesque, est dépeint sans complaisance par un contemporain : « C’est le plus grand asne de tout le pays, sans entendement, qui ne scet lire ni escripre, non pas son nom ne signer, ny ne scet messe de requiem; encores la scet (…) par force de routine et de la dire, car autrement il n’en dict (…) ».
Époque moderne
Au cours des années qui s’ensuivent, le protestantisme fait des progrès fulgurants dans la région, notamment dans la bourgeoisie et la noblesse. Jacques de Pons, baron de Mirambeau, se convertit à la foi réformée, mais épargne à sa châtellenie les poussées iconoclastes qui sévissent non loin de là, dans la seigneurie de Montendre. Lorsque éclatent les Guerres de Religion, Mirambeau devient une place-forte huguenote redoutée et redoutable. En 1570, le château est pris et « réduit par le feu »; sept ans plus tard, la situation se renouvelle39. Presque entièrement ruiné, il est relevé par Arnaud d’Escodéca de Boisse à partir de 1617.
Le 16 octobre 1650, le roi Louis XIV, qui revient de Bordeaux dont il a fait le siège après les événements de l’Ormée, s’arrête à Mirambeau et y passe la nuit. Le 28 décembre 1700, c’est au tour de Philippe V, petit-fils de Louis XIV, parti prendre la succession de son grand-oncle Charles II d’Espagne, de traverser la paroisse, par un temps exécrable. Les lettres inédites rédigées par Duché de Vancy donnent quelques précisions sur cette étape : « Ce lieu est pauvre et misérable ; il n’a cessé d’y pleuvoir. Le roi d’Espagne et les Princes sont logés au cabaret, au milieu du village. Il y a un étang d’eau et de boue devant leur porte, au milieu duquel il faut passer pour se rendre chez eux (…) En partant mardi de Mirambeau, nous passâmes au Petit-Niort, où le Roi et les Princes entendirent la messe. Entre ces deux endroits, le carrosse du comte d’Agen prit la peine de verser et de se casser les glaces. »
Le 18 octobre 1685, par l’édit de Fontainebleau, Louis XIV révoque l’édit de Nantes accordé par son grand-père. Les fidèles de la R.P.R (religion prétendue réformée) sont priés de rejoindre le giron de l’église catholique romaine, de gré ou de force (tracasseries administratives et fiscales, répression et « dragonnades » ont pour but de convaincre les plus récalcitrants, qui choisissent souvent l’exil ou la clandestinité). Un couvent de pères Récollets est implanté à Mirambeau en 1715 afin de développer l’instruction religieuse et de dire la messe; en réalité, le but est avant tout de contrer les idées réformées, et d’éviter aux « Nouveaux Convertis » de revenir à leurs « erreurs ».
Époque contemporaine
L’empereur Napoléon III visite la ville le 27 juillet 1860.
Mirambeau traverse la période révolutionnaire sans grand fracas, évitant les excès qui caractérisent nombre de paroisses environnantes (Saint-Thomas-de-Conac, Saint-Bonnet…). Quelques extrémistes forment bien le projet de mettre le feu au château et à l’église le 30 avril 1790, mais la raison prend le dessus et les esprits finissent par s’apaiser. Lorsque la République est proclamée le 22 septembre 1792 — 1er vendémiaire an I — une célébration a lieu dans l’église, en présence des notables et de l’administration municipale. Tous jurent de s’opposer au rétablissement de la royauté41.
En 1813, le comte Charles Jacques Nicolas Duchâtel achète le château, qu’il fait modifier en profondeur. La famille Duchâtel contribue, par de généreuses donations, à la modernisation de la ville, qui bénéficie en outre de la période faste qu’est pour la région le Second Empire (la signature d’accords commerciaux favorise les producteurs de cognac). Une église moderne est construite à partir de 1856, et est presque achevée lorsque l’empereur Napoléon III visite la cité, le 27 juillet 1860. Un hôtel de ville monumental est érigé (1875), les rues sont baptisées (1877), et sont nettoyées afin de lutter contre les fréquentes épidémies de choléra (1884). La ville est raccordée à un réseau de chemin de fer à voie étroite (chemins de fer économiques des Charentes), et la gare des Sept Fonts est construite (1895). Le télégraphe est mis en place, une société de secours mutuel est instituée et une gendarmerie est construite (1900). Le téléphone est mis en place peu après (1902). En 1916, l’héritier des Duchâtel fait don du château à l’état, afin qu’il serve de maison de convalescence aux « Poilus » blessés.
Mirambeau traverse le xxe siècle sans encombre, si ce n’est la tragédie de l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Connectée au réseau autoroutier à partir de 1981 (inauguration de l’A10), la ville fait la une de l’actualité le 10 novembre 1993, du fait d’un triple carambolage sur l’autoroute, faisant 15 morts et 49 blessés. Après avoir longtemps souffert d’un déclin démographique, elle inverse cette tendance à partir de 1990, et investit pour l’avenir avec la mise en place d’une zone artisanale de plus de 80 000 mètres carrés.